En Normandie, le fleuve cotier reconnecte a la mer

« L’embouchure » de la Saane au- jourd’hui : une buse devant la route co- tiere et le camping qui va etre deplace plus en amont sur des terrains non inondables. Photo : © G. Pain Photo: © G. Pain

The Saâne, in the Pays de Caux, and its lower valley are to be reconfigured in light of climate and coastal changes. In the event of flooding, the river and valley will drain faster.

Reportage

La Saane, petit fleuve cotier de 40 km, se jette dans la Manche entre deux falaises de la cote d’Albatre a Quiberville (Seine-Maritime). On de- vrait dire se jetait car l’embouchure du fleuve, en partie canalise, est une grosse buse. « La vallee se remplissait mais avait du mal a se vider. » Jean- Francois Bloc, le maire de Quiber- ville, se souvient de la submersion marine de 1977 et des inondations de 1999 et 2000 dans la basse vallee :
« 1l y avait 1,60 m d’eau dans le cam- ping sur le front de mer. »

Avec le Conservatoire du littoral, qui possede et preserve 55 des 360 ha de la vallee et sur le front de mer, trois communes voisines du littoral, Qui- berville, Sainte-Marguerite-sur-Mer et Longueil vont totalement recon- figurer et renaturer la vallee et son fleuve, que pourront remonter la mer et les poissons migrateurs.

« Le premier, pas le dernier »

« L’enjeu est aussi d’adapter le site au changement climatique, via une recomposition spatiale de la vallee », indique Regis Leymarie, qui pilote le dossier au Conservatoire, avec l’ero- sion de la cote et la montee du niveau de la mer de 40 cm a 1 metre d’ici 2 100. Le fleuve va etre reconnecte a la mer avec de nouveaux meandres, les berges seront adoucies et les mer- lons de terre arases pour que la vi- dange de la vallee soit plus courte. Les milieux humides ainsi recrees ac- cueilleront une faune et une flore de milieux estuariens : habitats natu- rels, poissons migrateurs, oiseaux.

Le camping va etre deplace plus en amont du fleuve hors zones inon- dables avec, en 2023, « 150 emplace- ments nus et 50 logis en bois », de- taille le maire. Un pont de dix metres de large et cinq de haut va etre construit sur la Saane a la place de la buse. La capacite de la station d’epu- ration portee a 5 000 habitants et 400 logements traitera les eaux usees pour une eau du fleuve et de bai- gnade de qualite. Les agriculteurs laisseront leurs vaches paitre dans la vallee : « On pourrait y avoir des moutons. Des agneaux de pre-sa- le », sourit Jean-Francois Bloc. Un GR existe deja mais de nouveaux che- mins de randonnee seront amenages.

Jean-Philippe Lacoste, du Conserva- toire du littoral de Normandie, 70 sites et 13 500 ha proteges sur les 7 000 km de cotes du Treport au Mont-Saint-Michel, voit dans cette reconfiguration « un laboratoire. 1l n’y a aucun site sur tout le littoral francais ou une telle demarche est en passe d’aboutir. C’est le premier. Pas le dernier ».

Les 18 millions d’euros de travaux ont ete subventionnes a 80 %, le maximum, par la Region Normandie, le Departement de Seine-Maritime, l’Agence de l’eau. Mais surtout l’Eu- rope via le programme « interreg » France-Manche-Angleterre Pacco (promouvoir l’adaptation aux chan- gements cotiers), qui a tenu ses en- gagements de 8 millions d’euros mal- gre le Brexit, dans les deux vallees tres similaires de la Saane en France et de l’Otter (Devon), des deux cotes de la Manche. ■